Sur l'article 6. - Article L. 135-6 du code de la sécurité sociale et sa non-conformité partielle avec le principe d'égalité devant la loi :
Ce nouvel article du code de la sécurité sociale, que se propose d'insérer l'article 6, réserve le bénéfice futur du fonds de réserve, à partir de 2020, au seul régime général et aux régimes dits « alignés » (ORGANIC et CANCAVA).
L'exclusion des autres régimes d'assurance vieillesse apparaît contraire au principe d'égalité, en raison tout d'abord de l'origine largement universelle des ressources du fonds : fraction du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, excédents du Fonds de solidarité vieillesse résultant de la contribution sociale généralisée, produit des licences UMTS, don « spontané » de la Caisse des dépôts et consignations, produit des parts sociales des caisses d'épargne, etc.
Le Gouvernement justifie son choix (1) par le fait que le régime général et les régimes alignés ont engagé une « réforme » et qu'il existe ainsi « une différence de situation objective entre régimes ». Le Gouvernement se réfère, pour dégager les contours d'une telle réforme, à la loi du 22 juillet 1993 : allongement de la durée d'assurance, allongement de la période prise en compte pour la détermination du salaire annuel moyen, revalorisation des salaires reportés aux comptes et des pensions en fonction de l'indice des prix « hors tabac »...
Or, cette loi - malgré ses éminentes qualités - ne fait pas partie, jusqu'à présent, du bloc de constitutionnalité dégagé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel : son invocation ne permet pas à elle seule de faire échec à l'application du principe d'égalité.
Le Gouvernement explique en outre que l'actuel fonds de réserve, constitué sous la forme d'une deuxième section du fonds de solidarité vieillesse, est déjà réservé au régime général et aux régimes alignés, ce qui constituerait « un précédent non contesté par le Conseil constitutionnel ». Il convient toutefois de rappeler que cette disposition résulte de l'article 2, paragraphe IV, de la loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui se limitait à donner au fonds de réserve un statut « provisoire », et au moment où était prévue la seule affectation d'un excédent de 2 milliards de francs de contribution sociale de solidarité sur les sociétés et où n'étaient définies aucune des orientations générales (par exemple, l'horizon d'utilisation des sommes du fonds), désormais fixées par l'article 6 de la loi déférée.
Cette discrimination entre régimes d'assurance vieillesse apparaît ensuite inopérante. Le régime d'assurance vieillesse des professions libérales, par exemple, se « réforme » de manière continuelle et ne repose pas sur les mêmes règles : la durée de cotisation pour bénéficier de la pension forfaitaire du régime de base à taux plein est certes de trente-sept années et demi, mais l'âge pour bénéficier de la retraite est fixé à soixante-cinq ans, tandis que la retraite complémentaire est calculée par points.
Sur l'article 6. - Article L. 135-10 du code de la sécurité sociale et sa non-conformité partielle au regard de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté et de l'égalité de concurrence :
Cet article confie « la gestion administrative » du fonds de réserve pour les retraites à la Caisse des dépôts et consignations, tandis que le directeur général de cette caisse sera le président du directoire.
Le fait que la loi confie à la Caisse des dépôts et consignations la gestion administrative du fonds n'appelle pas de commentaires particuliers.
Il convient cependant de noter qu'il ressort des travaux parlementaires que le concept de « gestion administrative » est entendu de façon impropre : cette gestion comprend ainsi des missions assurées de manière traditionnelle par le secteur concurrentiel, comme la conservation des titres. On peut s'interroger, dès lors, si cette inclusion ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.
Mais, surtout, l'établissement public administratif « fonds de réserve », à l'instar de tout organe administratif, est ainsi soumis à « une obligation d'impartialité », selon les termes de la décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989.
Or, le « groupe » Caisse des dépôts, notamment par sa filiale CDC-IXIS, peut participer, selon les mêmes conditions que l'ensemble des acteurs du marché, aux appels d'offres de gestion financière, alors même que le président du directoire du fonds de réserve, en tant que directeur général de la Caisse des dépôts, est également le président du conseil de surveillance de CDC-IXIS.
Certes, des dispositions sont prévues à l'article L. 135-12 : en cas de participation de CDC-IXIS ou de toute autre filiale de la Caisse des dépôts à un appel d'offres de gestion financière, le président du directoire devra s'abstenir de participer aux délibérations. Le Gouvernement est resté à ce titre muet sur les conséquences d'un désaccord entre les deux derniers membres du directoire.
De telles dispositions apparaissent cependant insuffisantes à partir du moment où la caisse assure la gestion administrative du fonds. Des personnels soumis doublement à l'autorité du directeur général, en tant que responsable de la caisse et en tant que président du directoire, prépareront les cahiers des charges des appels d'offres... auxquels répondront d'autres personnels, soumis également à l'autorité du directeur général de la Caisse des dépôts ! La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 135-10 (« Cette activité la gestion administrative est indépendante de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales ») relève de la pétition de principe, en raison notamment de la place jouée par le directeur général dans le dispositif.
Les participants aux appels d'offres de gestion financière seront ainsi placés dans une situation d'inégalité que rien ne justifie : la création de CDC-IXIS se fonde précisément sur la nécessité de séparer « les missions d'intérêt général » et « les activités financières concurrentielles » de la caisse : dès lors, aucune différence de situation ne peut exister entre les filiales concurrentielles de la caisse et les autres acteurs du marché ; l'objet poursuivi par la loi n'est pas d'avantager le groupe Caisse des dépôts, mais d'amener les produits du fonds au niveau maximal, tout en respectant les objectifs fixés à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale.
A partir du moment où le législateur confiait la gestion administrative du fonds de réserve à la Caisse des dépôts et consignations, il se devait, compte tenu de l'imbrication d'activités concurrentielles et non concurrentielles qui caractérise ce « groupe », placé sous l'autorité d'un directeur général unique, de l'exclure explicitement de la participation aux appels d'offres de gestion financière, sauf à porter atteinte à la liberté et à l'égalité de concurrence.
Dès lors, le premier alinéa de l'article L. 135-10 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
Sur l'article 17. - Les trois premiers alinéas du I de l'article 39 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et leur non-conformité avec l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, avec l'objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants d'expression socioculturels et avec l'article 34 de la Constitution :
Ces dispositions méconnaissent en effet :
- l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en tant qu'elles ont pour effet de porter atteinte à la liberté des personnes possédant ou contrôlant des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre et à la liberté des auditeurs de ces services ;
- l'objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants d'expression socioculturels en tant qu'elles diminuent de façon excessive la portée des dispositions législatives assurant la limitation des concentrations dans le secteur de la communication audiovisuelle ;
- l'article 34 de la Constitution en tant qu'elles confient au pouvoir réglementaire l'élaboration de mesures d'application de la loi concernant le respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
I. - Les dispositions du I de l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel méconnaissent l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :
1. La loi du 27 novembre 1986 avait, en conséquence de la décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986 du Conseil constitutionnel, institué un plafond de détention par une même personne de 25 % du capital d'une société titulaire d'une autorisation de service de télévision par voie hertzienne terrestre, chiffre porté à 49 % par la loi du 1er février 1994.
Avec l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2000, cette disposition est devenue applicable à l'ensemble des chaînes qui seront diffusées par voie hertzienne terrestre numérique, y compris les chaînes actuellement existantes du câble et du satellite, si leurs opérateurs souhaitent les faire migrer vers le numérique de terre.
Afin d'éviter l'application brutale du plafond de 49 % à ces services lors de leur migration vers la diffusion hertzienne terrestre, le I de l'article 17 de la loi modifie le dispositif institué en 1986. Il est désormais prévu que le plafond de 49 % est appliqué à tout service diffusé par voie hertzienne terrestre, en mode analogique ou numérique, dès lors que l'audience moyenne annuelle du service dépassera 2,5 % de l'audience totale des services de télévision.
Ce dispositif a été conçu afin que le plafond de 49 % ne frappe que les trois chaînes hertziennes privées actuellement diffusées en mode analogique, c'est-à-dire les seuls services soumis pour le moment à cette règle, hypothèse que les faits pourraient d'ailleurs ne pas confirmer, comme on le note ci-dessous, même si les chaînes thématiques du câble et du satellite ne dépassent actuellement pas le taux de 1 % d'audience ;
2. A ce dispositif s'applique la critique que le Conseil constitutionnel adressait dans sa décision no 84-181 du 10 octobre 1984, à d'éventuelles dispositions législatives qui « imposeraient à tout moment aux personnes possédant ou contrôlant les quotidiens visés le respect de plafonds dont le dépassement peut dépendre du succès auprès du public desdits quotidiens ou des mécomptes des quotidiens concurrents ». La décision no 84-181 précisait que de telles dispositions « porteraient à la liberté de ces personnes et, plus encore, à la liberté des lecteurs une atteinte directement contraire à l'article II de la Déclaration de 1789 ».
Le jeu du plafond de 2,5 % d'audience résulterait indiscutablement du succès des services de télévision auprès du public, et ferait ainsi manifestement obstacle à la liberté de création et de développement naturel de ces services ainsi qu'au libre choix des auditeurs. Il faut donc admettre que « ces dispositions seraient évidemment inconstitutionnelles », comme indiquait clairement la décision de 1984 ;
3. En ce qui concerne l'application de cette jurisprudence au secteur de la communication audiovisuelle, il convient d'observer que la décision du Conseil constitutionnel no 86-217 DC du 18 septembre 1986 place expressément la communication audiovisuelle sous le régime de la libre communication des pensées et des opinions énoncées par l'article 11 de la Déclaration de 1789, point de départ de l'analyse relatée ci-dessus. La décision du 18 septembre 1986 précise en particulier que « l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire l'objet d'un marché ». La contrainte que fait peser sur le libre choix des auditeurs le dispositif prévu au I de l'article 17 de la loi provoque l'inconstitutionnalité manifeste de ce dispositif ;
4. On notera en outre qu'aucun précédent législatif ne permet d'affirmer que le Conseil constitutionnel aurait validé des dispositions équivalentes. Il a été soutenu, lors du débat législatif, que la loi du 30 septembre 1986 comprenait avant sa modification plusieurs dispositions de portée comparable au dispositif du I de l'article 17. Ainsi a-t-il été indiqué que l'ancien article 24 de la loi de 1986 disposait en son III qu'une même personne ne pouvait détenir plus de 50 % du capital d'une chaîne diffusée par un satellite de télécommunications lorsque celle-ci était effectivement reçue par plus de six millions de personnes.
Il est cependant évident que la formule « effectivement reçus par plus de six millions de personnes » ne désigne pas l'audience des services intéressés. Elle a été élaborée pour écarter la prise en compte de la population recensée dans les zones desservies : c'est la population équipée en antennes paraboliques et donc recevant effectivement la télévision par satellite, qui devait servir de critère au déclenchement du mécanisme anticoncentration. Cette formulation résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement lors de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale de la loi no 90-1170 du 29 décembre 1990. Le ministre délégué chargé de la communication avait alors indiqué que l'amendement visait à appliquer aux satellites de télécommunications le régime anticoncentration des satellites de diffusion directe, « seulement lorsque ce nouveau moyen de mise à disposition des programmes atteindra une part significative de la population » : il ne s'agissait pas d'audience mais de population desservie.
Le dispositif de l'ancien article 24 de la loi du 30 septembre 1986 ne ressemble donc en rien au dispositif critiqué. Il ne porte en particulier aucune atteinte au libre choix des auditeurs, dans la mesure où le jeu du plafond qu'il institue n'est pas déclenché par les choix de ces derniers. Ce raisonnement est transposable au dispositif anticoncentration applicable aux réseaux radiophoniques (1er alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986), si cette disposition était aussi invoquée à titre de précédent.
5. On observera enfin que la mise en oeuvre du mécanisme de cession obligée d'une part de capital apparaît très plausible à moyen terme. Les taux d'audience des chaînes thématiques actuellement cités sont très éloignés de 2,5 % car ils sont calculés en fonction d'une population qui n'a dans sa grande majorité accès qu'aux cinq chaînes traditionnelles. Mais, dans le paysage audiovisuel qui surgira du lancement de la télévision numérique de terre, 80 % de la population aura accès à plus de trente chaînes, et l'audience se répartira entre les services de façon totalement différente de la situation actuelle. Il est possible d'avoir une idée de ce que sera la structure de l'audience dans le paysage audiovisuel numérique en observant la façon dont se répartit actuellement l'audience dans le public qui a accès à l'offre élargie de télévision. Une chaîne comme RTL 9 représente 3,8 % de l'audience sur l'ensemble de cette population, 5,7 % si l'on ne prend en compte que les auditeurs initialisés, c'est-à-dire ceux qui reçoivent effectivement RTL 9. Si le lancement de la télévision numérique de terre connaît le succès attendu, si dans deux ans trente-six chaînes sont proposées à l'ensemble ou à 80 % de la population française, la structure de l'audience se rapprochera nécessairement de ce modèle, et la mise en oeuvre du dispositif critiqué deviendra inéluctable.
Pour ces motifs, les dispositions du I de l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel méconnaissent l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
II. - Les dispositions du I de l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants d'expression socioculturels :
1. Les dispositions du I de l'article 17 combinées avec celles du III du même article permettent à une même personne de détenir la totalité du capital de cinq sociétés titulaires d'autorisations relatives à des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre numérique, à condition que chaque service ne dépasse pas le plafond de 2,5 % d'audience. La loi permet donc à une même personne de contrôler un ensemble de services représentant 15 % de l'audience nationale, ce qui équivaut presque à l'audience actuelle de M 6, qui est assujettie à la règle des 49 %.
2. On observera, d'une part, à cet égard qu'il convient manifestement d'apprécier la portée du dispositif anticoncentration applicable à la communication audiovisuelle en tenant compte du cumul possible des autorisations, comme le Conseil constitutionnel a lui-même invité le législateur à le faire dans sa décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986.
On observera, d'autre part, que l'entrée en vigueur d'une disposition restreignant l'application de la « règle des 49 % » limiterait la portée d'un élément crucial, comme l'a montré le récent débat public sur la composition du capital de M 6, du dispositif créé à la demande du Conseil constitutionnel afin d'assurer le pluralisme dans la communication audiovisuelle.
3. Cette novation aurait lieu sans qu'aucune mesure compensatoire ne soit proposée et sans qu'aucun bouleversement du paysage audiovisuel ne le justifie.
On ne saurait en particulier soutenir que le passage de six à une trentaine du nombre des canaux utilisables pour la diffusion hertzienne terrestre crée dans l'offre de services de télévision une abondance telle qu'il serait possible d'entamer le démantèlement du dispositif anticoncentration de la loi de 1986, dont le plafond de 49 % est un élément crucial. Affirmer que la règle des 49 % n'a plus à jouer le même rôle puisque le pluralisme du secteur se trouve renforcé par l'éclatement de l'offre de programmes est donc une pétition de principe que la réalité ne confirme pas.
4. On observera enfin que l'application de la « règle des 49 % » aux chaînes dont les programmes contribuent à l'information politique et générale est essentielle à la mise en oeuvre de l'objectif du pluralisme des courants d'expression socioculturels.
Or, le dispositif du I de l'article 17 de la loi ne soumet à cette règle les chaînes généralistes ou d'information qui seront créées pour le numérique qu'à la condition qu'elles atteignent le seuil de 2,5 % d'audience.
Pour ces motifs, les dispositions du I de l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants d'expression socioculturels.
III. - Les dispositions du I de l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel méconnaissent l'article 34 de la Constitution.
1. Le dernier alinéa du I de l'article 17 de la loi dispose qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de la règle prévoyant que le plafond de 49 % sera appliqué à tout service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dès lors que l'audience moyenne annuelle du service dépassera 2,5 % de l'audience totale des services de télévision.
2. Il s'agit de préciser la nature et le fonctionnement de l'« audimat » qui permettra de mesurer l'audience des services de télévision susceptibles de se voir appliquer le plafond de 49 % sous sa nouvelle forme.
Or l'audimat est un instrument sinon arbitraire du moins conçu en fonction d'un objectif défini. Sa validité scientifique est le résultat de l'accord des intéressés sur les objectifs identifiés et sur les méthodes mises en oeuvre. C'est en outre un instrument destiné à fournir une échelle de comparaison des performances potentielles des espaces publicitaires commercialisés par les services de télévision, et non à mesurer des valeurs absolues. D'où par exemple, en fonction de la diversité des cibles commerciales, l'existence de plusieurs populations de référence dont le choix comme paramètre de l'audimat suscite parfois la contestation de catégories de services s'estimant desservies, comme l'a montré récemment une polémique sur la mesure de l'audience des radios. On notera aussi que le passage à la mesure de l'audience des télévisions thématiques a impliqué une modification des paramètres, provoquant une diminution sensible de l'audience affichée des services traditionnels.
3. L'instrument prévu par la loi sera aussi purement conventionnel. La loi mentionne seulement la notion d'audience moyenne annuelle par voie hertzienne terrestre, par câble et par satellite, tant en mode analogique qu'en mode numérique. Elle ne précise pas en revanche le contenu de la notion d'audience moyenne annuelle d'un service (il semble qu'il s'agisse plutôt de part d'audience moyenne annuelle), ne détermine pas la population mesurée (4 ans et plus, 15 ans et plus, autre ?), ne précise pas si la mesure de l'audience prend en compte l'initialisation des foyers (notion destinée à traduire l'inachèvement de la couverture territoriale de certaines chaînes) et le fait que toutes les chaînes ne diffusent pas 24 heures sur 24, si l'audience globale en fonction de laquelle est mesurée l'audience des services nationaux comprend l'audience des services locaux, si le recueil des données d'audience est effectué selon les mêmes techniques pour les services traditionnels et pour les chaînes du câble et du satellite (ce n'est pas le cas actuellement).
Les choix opérés par le pouvoir réglementaire lors de la création ou à l'occasion d'une modification du nouvel « audimat » auront une incidence directe sur le niveau des taux d'audience mesurés et pourront créer pour une personne l'obligation de se défaire d'une partie du capital qu'elle possède dans un service national de télévision, dans des conditions éventuellement préjudiciables tant au respect de ses intérêts patrimoniaux et de son droit de propriété qu'à la plénitude de la liberté de communication des pensées et des opinions. En outre, le pouvoir réglementaire maîtrisera ainsi la portée d'une disposition instituée afin de garantir le pluralisme des courants d'expression socioculturels dans la communication audiovisuelle.
On remarquera à cet égard que le caractère durablement passionné du débat public sur la communication audiovisuelle et celui, parfois excessif, des propos tenus et des propositions avancées invite à maintenir le niveau de la garantie des libertés publiques atteint dans ce domaine.
La compétence du législateur est une de ces garanties. Il lui appartient, comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, de définir le fonctionnement d'un instrument ayant des incidences aussi directes sur les conditions de fonctionnement de la liberté de communication.
Pour ces motifs, les dispositions du I de l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel ne sont pas conformes à l'article 34 de la Constitution.
Sur l'article 36 et sa non-conformité au regard de la procédure parlementaire :
Cet article , introduit à l'Assemblée nationale en première lecture par amendement du Gouvernement, vise à créer une nouvelle catégorie de sociétés coopératives, les sociétés coopératives d'intérêt collectif.
Or, cet amendement est tout d'abord dépourvu de tout lien avec le texte en discussion. Certes, on pourrait arguer de l'intitulé, imprécis, du présent projet de loi (portant « diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel ») pour affirmer qu'un amendement visant les sociétés coopératives peut s'y rattacher. A l'examen, et sauf à vouloir donner au terme « social » une acception tellement large qu'elle pourrait embrasser tous les domaines du droit, ce lien apparaît toutefois inexistant, la réforme proposée modifiant le statut de la coopération et relevant, ainsi, du droit des sociétés.
De plus, cet amendement du Gouvernement, déposé en séance publique à l'Assemblée nationale, insère 12 nouveaux articles dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui en compte actuellement 45, auxquels s'ajoute un article modifiant, par ailleurs, le code de commerce. Il dépasse manifestement « par son objet ou sa portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement », selon les termes de la décision no 86-225 DC du 23 janvier 1987.
Il apparaît ainsi être adopté selon une procédure contraire à la Constitution.
(Liste des signataires : voir décision no 2001-450 DC.)
(1) Cf. Rapport Sénat no 339 de MM. Louis Souvet, Alain Vasselle, André Jourdain et Jean-Louis Lorrain, p. 155.